Sélectionner une page

La Discothèque féministe : faire résonner l’héritage des créatrices !

Avr 1, 2025

Combien de compositrices, d’interprètes, de productrices, de musiciennes ont vu leurs œuvres oubliées de nos récits, leur travail effacé des archives sonores ou relégué aux marges de l’Histoire musicale ? Trop. C’est face à cet oubli que la Discothèque féministe est née. Imaginée par Patricia Debias, musicienne et Gilles Garrigos, directeur de la Tannerie à Bourg-en-Bresse, ce projet s’appuie sur leur passion commune pour la musique, les vinyles et leur volonté de préserver les créations des musiciennes. Mais la Discothèque féministe n’est pas une simple collection : c’est une dynamique vivante de collectage, de rencontres, de classification sous l’angle du genre, et surtout de transmission. Un espace encore en construction où la mémoire musicale des créatrices se réhabilite, se partage et se fait entendre !

Avant de découvrir plus amplement cette Discothèque féministe, un petit tour en région Auvergne-Rhône-Alpes, plus particulièrement à la Tannerie, scène de musiques actuelles de Bourg-en-Bresse, éminemment liée à cette initiative. C’est en 2001 que la Tannerie ouvre ses portes. Bien plus qu’une simple salle de concert, la Tannerie est un véritable lieu de bouillonnement musical où se croisent artistes émergent·es et têtes d’affiche dans une ambiance conviviale et engagée. Résidences, actions culturelles, répétitions et concerts s’y enchaînent, faisant de ce lieu un espace d’expérimentation et de rencontre ouvert à tous et toutes. Enfin, la Tannerie c’est aussi et sans doute, surtout, l’association « La Truffe et les Oreilles » vivifiée par ses bénévoles engagé·es qui sont partout à la Tannerie !  24 ans après, elle s’apprête à refermer ses portes cet été, mais pas d’inquiétude, ce devrait être juste pour 2 ans, pour mieux les rouvrir après quelques travaux de rénovation et d’agrandissement !

Entretien avec Patricia Debias & Gilles Garigos

Comment vous est venue l’idée de la Discothèque féministe ? De quelles utopies ou envies de changer le monde ? 

Patricia Debias : En fait nous sommes tous les deux DJ. On a mixé longtemps avec des vinyles, on en a vraiment beaucoup et on accorde une vraie valeur à l’objet. L’un des points de départ de la Discothèque féministe vient d’un questionnement récurrent : à quoi peut bien servir toute cette collection de disques au-delà de nos mix ? Et puis, Un autre constat nous a aussi guidé vers ce projet : comme nous avons toujours été dans une recherche de nouvelles musiques, guidé·es par l’envie de déterrer des pépites musicales oubliées, de faire découvrir des artistes, nous nous sommes quand même vite rendu compte, du manque de valorisation des artistes féminines !

Gilles Garrigos : Nous avons eu aussi tous les deux une activité de journalistes musicaux. Par ce biais-là, nous nous sommes depuis longtemps attaché·es à mettre en avant des artistes féminines dès que c’était possible. On a souhaité très vite orienter notre travail davantage sur cette mise en lumière! 

Patricia : Et nous avons aussi fait le constat que les journaux pour lesquels on écrivait,  favorisaient de façon très systématique les artistes masculins. Ça nous a heurté et ébranlé un peu de participer à ça, d’être partie prenante de ce système. 

Gilles : Depuis très longtemps pour ce qui me concerne j’avais un réel intérêt pour les musiciennes et la façon dont elles s’emparent de la scène et de la musique. J’ai joué dans des groupes dès les années 80 où il y avait des femmes et où c’était une évidence qu’elles aient une véritable place. Je fréquentais beaucoup les milieux militants où le féminisme était très présent et où c’était aussi une évidence que les femmes soient inclues artistiquement! Et puis sont venus les questionnements par rapport au projet de la Tannerie : quelle place était faite aux musiciennes dans la programmation, par exemple ?  Tous ces questionnements existants se sont télescopés de plein fouet avec ceux plus généraux autour de la place des femmes, qui ont émergés plus fortement il y a une dizaine d’années, dans les arts mais aussi dans la société plus globalement, et de la façon dont on a omis de parler tout au fil de l’histoire de l’apport des femmes.

Patricia : Mon premier groupe était exclusivement féminin. Et la place qui nous était réservée, était souvent une sorte de petit rencard annuel autour du 8 mars ou sur des soirées dédiée à des groupes dits « féminins ». On était parquées dans une sorte de truc exceptionnel, c’était ça l’angle : ce soir, programmation avec des filles !  Et c’est toujours un peu gênant. Et c’est aussi pareil dans la presse ! Un article spécial, les femmes dans le rock, comment elles font… Et en fait, on n’avait droit qu’à ça!

 Une sorte de ghetto de meufs qui ont le droit à la parole pendant une page. Voilà. Moi, ça, c’est sûr que je l’ai ressenti en tant que musicienne.

Comment avez-vous incarné toutes ses envies ? Comment la Discothèque féministe a pris corps ? Plus concrètement c’est quoi ? 

Patricia: A la base, il y a donc notre propre fonds musical qui est assez conséquent pour une collection personnelle, que nous mettons à disposition.

Gilles : A la Tannerie, nous avons aussi récupéré un fonds musical d’une médiathèque de Bourg-en-Bresse ; autour d’un millier de disques, dans lequel il y a de quoi piocher, en termes d’artistes féminines, que ce soient des musiciennes ou des compositrices. Nous avons également récupéré des disques auprès d’une radio locale. Et donc, petit à petit nous avons constitué un fonds ! Pour revenir un peu à la première question, il y a pour nous une réelle utopie de se dire, qu’en fait, il y a un énorme champ qu’on continue de découvrir. Parce qu’il y a des choses qu’on connaissait, évidemment, notamment depuis le punk, puisque c’est un peu de là qu’on est issu·es tous les deux. Des artistes féminines qui ont émergé et qui ont eu enfin la parole. Nous avons assez longtemps eu l’impression, au point où nous en étions dans notre réflexion et notre capacité d’analyse de l’histoire de la musique, que grosso modo avant les punks, il y avait eu peu de groupes ou artistes. Les Runaways dans les années 70, quelques groupes féminins dans les sixties, les Girls Group. Grosso modo, il n’y avait pas eu grand-chose d’autre dans la musique qu’on aimait déjà et qu’on appréciait. Et en réalité, en fouinant cinq minutes, on s’est rendu compte que ce n’était absolument pas le cas ! Et là, ça a ouvert un champ énorme, soudainement.

Patricia : Sur la question de l’utopie, qui est quand même un terme fort, c’est aussi l’idée que tout ne se réalisera pas complètement. Étant donné que nous avons lancé ce projet à 2 à Bourg-en-Bresse, nécessairement, il y a un peu un aspect utopique de se dire qu’on va créer un lieu de référence! Mais il s’agit avant tout de participer à ce mouvement de valorisation, de visibilisation des musiciennes. Et un réel objectif, c’est que les documents ne disparaissent pas, même si, de fait, c’est déjà le cas !  Il y a déjà des documents perdus à tout jamais parce que personne ne s’en est occupé. Il y a des sons qu’on ne retrouvera pas. L’idée c’est de limiter au maximum cette perte pour la culture mondiale. Et du coup, ça, c’est déjà un combat partiellement perdu, mais on essaye d’agir pour que cela le soit le moins possible !

 … en fouinant cinq minutes, on s’est rendu compte que ce n’était absolument pas le cas ! En fait, des artistes féminines, il y en avait eu pléthore de partout, dans tous les styles, toutes les époques.

Gilles : L’idée de la discothèque féministe, c’est d’essayer de collecter le maximum de témoignages discographiques sur la présence des femmes dans toute l’histoire de la musique, où que ce soit. Alors là aussi, ça a une part complètement utopique parce que c’est énorme, bien évidemment ! L’idée, c’est donc de disposer d’un fonds conséquent et surtout le plus représentatif possible, sans viser l’exhaustivité. Par contre, il s’agit aussi et en même temps d’être en lien avec des institutions diverses qui possèdent des fonds musicaux, elles aussi, mais qui pour l’instant, n’ont jamais pu faire ou jamais voulu effectuer le travail de répertorier leurs fonds dans une logique genrée. Notre objectif à terme est de pouvoir travailler avec elles et eux pour qu’on puisse, nous, par exemple, savoir qu’ils disposent de tel et tel disque. Nous avons aussi prévu de faire cette démarche auprès des personnes qui collectionnent les vinyles ou tout autre source musicale !

Patricia : Sachant que, petite précision, la discothèque féministe, ça ne concerne pas que les musiciennes et interprètes, ça concerne aussi les compositrices, les productrices… Ça démultiplie encore les possibilités de recherche.

Avec la Discothèque féministe l’idée, c’est de lutter contre cette idée toute faite, préconçue, que les femmes, en l’occurrence les musiciennes, n’ont pas été pionnières.

Gilles : Au fond, l’objectif c’est vraiment d’aller contre l’idée reçue qui établit que les femmes ont été très peu présentes dans l’histoire de la musique et c’est pour ça qu’on s’est aussi très vite intéressées et un peu étonnamment par rapport à notre parcours musical, à la musique classique et aux compositrices. A un moment on a mis le doigt dedans en pensant comme beaucoup de monde, qu’il n’y avait pas eu de compositrices ou très très peu et en réalité c’est comme dans les musiques dites populaires, c’est un champ infini ! 

Patricia : En fait, même quand les musiciennes ou les compositrices ont eu du succès à une époque, elles ont été effacées de l’histoire au fur et à mesure. Dès qu’elles n’étaient plus là, plus personne ne parlait d’elles ou ne s’occupait pas de leur postérité. Et ça, c’est vraiment une volonté du patriarcat, parce que l’histoire a été écrite par des hommes ! Avec la Discothèque féministe, la volonté est de lutter contre cette perception que les femmes, en l’occurrence les musiciennes, n’ont pas été pionnières. Reconnaître qu’elles composent de la musique, c’est déjà important. Mais reconnaître, qu’elles ont aussi initié des mouvements, qu’elles ont participé à des innovations dans le domaine musical. Ça reste aussi un enjeu majeur ! 

Où en êtes-vous du développement de la Discothèque féministe ? 

Gilles : La phase actuelle c’est d’essayer de rendre le projet visible, puisque qu’il n’existe publiquement que depuis le mois de septembre 2024, première fois où nous avons fait une présentation de la Discothèque féministe. C’était au moment des journées du matrimoine, ça nous a permis de voir comment l’initiative résonnait pour les institutions avec lesquelles on est en lien, en sachant que ce projet est inscrit à dans le cadre du projet artistique et culturel de la Tannerie et donc dans la convention pluriannuelle d’objectifs qui a démarré en 2024. A ce jour, tous nos financeurs sont informés et savent qu’on travaille sur cette dimension-là. Et puis on a essayé de mobiliser le Centre National de la Musique, nous sommes allés rencontrer le ministère de la Culture du côté de l’égalité femmes-hommes. Notre travail pour l’instant a été d’informer et d’expliquer le projet pour mobiliser des personnes ou des institutions et collectivités qui s’y intéressent et qui puissent nous soutenir. Nous avons évidemment besoin d’un local pour pouvoir se poser, commencer à mettre le fonds à disposition, au moins à un niveau très basique, à l’écoute. Et puis nous commençons à mettre en place des actions autour de ce fonds et de cette invisibilisation des femmes dans l’histoire de la musique. 

Comment inverser les choses ou en tout cas lutter contre cette invisibilisation qui se poursuit ?

Patricia : Lors des journées du matrimoine, nous étions sur un format de conférence musicale, qui n’avait pas pour seul but de présenter la Discothèque. Nous avons également souhaité partager des données claires et objectives, pour faire comprendre à quel point cette invisibilisation est problématique et encore présente aujourd’hui. Ce type d’intervention fait partie des actions qu’on peut proposer. Il y a eu un autre événement autour duquel la Discothèque féministe et la Tannerie étaient associées. C’était une conférence sur les compositrices dans la musique classique, leurs parcours et leur invisibilisation, assurée par Claire Bodin, du Centre Présence Compositrices, un super événement, avec une exposition durant 15 jours au Conservatoire de Bourg-en-Bresse. 

Gilles : Et là, on travaille aussi avec Jazz(s)ra, Plateforme des Acteurs du Jazz en Auvergne-Rhône-Alpes, qui eux ont fait tout un travail autour de la discographie du jazz dans la région. Ils prévoient un événement sur le mois de septembre prochain, à nouveau pour les Journées du Patrimoine/matrimoine ! Et là, sera présentée une exposition de musiciennes et chanteuses de jazz, via des pochettes de disques, et nous ajouterons une dimension blues à celle-ci et notamment des femmes qui ont été pionnières dans le blues. Celles qui ont un peu inventé le rock’n’roll, accessoirement !  C’est le type d’action qu’on peut mener avec ce fonds musical : imaginer et monter des expositions thématiques autour d’une artiste, d’une musicienne, d’un style musical, d’une époque, d’un pays, etc. En fait, tout peut s’imaginer à partir du moment où on a les capacités de travail à le mettre en place ensuite. Et justement, notre recherche désormais ce sont ces moyens ! C’est d’un côté ce local, et puis d’un autre côté, des moyens qui vont nous permettre de pouvoir affecter du temps de travail, de l’humain. Parce que pour l’instant, clairement, c’est un travail qu’on mène essentiellement tous les deux, de manière bénévole. Du côté de la Tannerie, Lucile, qui est chargée de production, s’est bien investie sur le projet et participe régulièrement à des temps de travail, et petit à petit d’autres personnes de l’équipe, que ce soit Anne Huiton, la programmatrice, Peyot, le directeur technique, Jordane Gaillard à l’accompagnement, se sont bien emparés de l’idée. Toute l’équipe est désormais bien conscientisée sur cette affaire ! Ça fait maintenant partie du projet global qu’on mène à la Tannerie. C’est bien compris comme ça et c’est plutôt très enthousiasmant !

 

Vous êtes en recherche de moyens, d’un local, mais peut-on vous contacter si on a des vinyles qui pourraient intégrer la Discothèque féministe ? 

Patricia : Oui, carrément, c’est très important et on incite les gens à donner plutôt que jeter par exemple ! Cependant, nous ne sommes pas obligés de récupérer toutes les collections des gens. On peut aussi répertorier afin de savoir où sont tels ou tels documents un peu rares. L’intégralité du fonds est répertoriée sur Discogs (un site de référence pour les collectionneurs/euses), et n’importe qui peut ainsi découvrir ce qu’il y a dans la Discothèque féministe. On fait aussi des demandes aux labels, qui, pour certains désormais, nous envoient des disques ou CD dès qu’ils sortent des productions d’artistes féminines. 

Gilles : Pour l’instant, ça marche bien avec les labels de musique classique. Ils sont très réceptifs. J’ai aussi été en contact avec la FELIN, fédération nationales des labels et des distributeurs indépendants, qui ont très bien accueilli le projet mais ne savent pas trop comment s’en emparer, l’économie des labels indés étant très fragile. 

On essaie aussi d’entrer en contact avec les majors qui ont des contenus et des fonds de catalogues de dingo ! Ce serait super intéressant de pouvoir travailler avec elles. Pour l’instant, nous n’avons pas réussi à attraper les vraies personnes décisionnaires. Mais ça ne saurait tarder, on va y arriver ! Et puis nous continuons de notre côté à acheter des disques pour poursuivre la constitution du fonds ! La Tannerie a aussi dédié un petit budget à ces achats. Nous sommes vraiment sur des sommes modestes, mais elles existent quand même !

 En fait, ça donne l’impression que ce qu’on fait, ça a du sens même à notre humble niveau. C’est minuscule tout ça. Mais on a sauvé une histoire, une femme qui a créé, qui a disparu dans l’oubli et dans l’indifférence.

Patricia : Par rapport à la matérialisation des sources, à l’achat de ces vinyles et l’enjeu de l’histoire des musiciennes, parfois, le vinyles c’est le seul objet, le seul témoignage qui reste. Tout n’a pas été numérisé. Les supports physiques restent donc primordiaux. Et c’est très durable, le vinyle. Ça ne s’altère pas si on ne le raye pas. Ensuite, il y a un côté ultra satisfaisant, que le moindre achat, la petite trouvaille dans une brocante, un disquaire ou sur Internet d’un disque, ce soit peut-être le dernier ou l’un des rares existant et qu’on l’a sauvé des eaux ! En fait, ça donne l’impression que ce qu’on fait, ça a du sens même à notre humble niveau. C’est minuscule tout ça, mais on a peut-être sauvé une histoire, une femme qui a créé, qui a disparu dans l’oubli et dans l’indifférence. Et nous, on peut imaginer l’avoir un peu ressuscitée, pour la remettre à sa place, à sa juste place. 

Gilles : Nous avons aussi le projet de constituer un comité scientifique autour de la Discothèque, qui a désormais une marraine, et ce n’est pas rien ! 

 

Et qui est qui votre marraine ? 

Gilles : C’est Virginie Despentes. C’est quelqu’un qu’on connaît, donc ce n’était pas trop compliqué en soi, mais, de fait, comme elle est très occupée, ce n’était pas non plus super évident qu’elle accepte de s’investir sur ce projet. Et elle nous a donné son complet feu vert ! 

Donc voilà, les choses avancent, se posent, mais c’est vrai que ça prend du temps. L’enjeu du local, à nouveau, de la présence physique est important !  Ça va peut-être bouger avec le fait que la Tannerie se retrouve « hors les murs » avec un bâtiment en travaux pendant deux années. Avec l’équipe, nous avons l’idée de trouver un espace en centre-ville de Bourg-en-Bresse pour pouvoir assurer une visibilité permanente de la Tannerie pendant la période où nous allons être en travaux. Et dans cet espace, on imagine pouvoir y inclure la Discothèque féministe. Dans le futur bâtiment de la Tannerie, il n’y aura pas la place pour le faire. Il faut donc nécessairement, que ce soit un local qui soit indépendant.

 

En termes de forces vives qui font la Discothèque féministe, nous avons évoqué l’équipe de la Tannerie, les partenaires publics, la marraine du projet, est-ce qu’on n’a oublié personne ? 

Patricia : Il y a aussi le collectif lyonnais Dynastits dont je fais partie. C’est un collectif féministe constitué d’artistes féminines, DJ, danseuses, plasticiennes, photographes…. Ça a commencé par des soirées où on faisait de la programmation exclusivement féminine, parce qu’on en avait marre de voir que des mecs sur scène. On défend un féminisme dans la fête et l’action ! Ça a été assez naturel de s’inscrire dans ce projet.

Gilles : Il y a aussi les collectifs féministes de Bourg-en-Bresse qui sont super intéressés, notamment dans l’idée que peut-être, à terme, le local de la Discothèque soit un local partagé. Ces collectifs cherchent aussi un endroit pour poser quelque chose qui ressemble plus à une bibliothèque thématique sur le féminisme. Mais du coup, ça serait tellement raccord avec le projet de la discothèque que les liens sont hyper serrés et logiquement devraient se retrouver à peu près au même endroit.

 

Quelles figures féminines vous inspirent ce projet, si aviez à choisir vous deux vinyles chacun·e dans votre collection ? 

Patricia : Pour moi clairement il y a Kathleen Hanna, fondatrice et chanteuse du groupe Bikini Kill ! Elle a une importance majeure, aussi parce que ça a été le début du mouvement Riot Grrrl qui était vraiment basé sur le constat qu’il n’y avait plus de meufs dans la scène punk, ni sur scène, ni devant ! Et elles ont véritablement fait bouger les choses ! Elles ne commençaient pas le concert avant qu’il y ait des meufs en devant de scène. C’est ça agir aussi ! Pour moi Bikini Kill représente ce passage à l’action, Kathleen Hanna, c’est quelqu’un qui dit et qui fait ! Ça ne veut pas dire, qu’avant elle, il n’y avait rien, mais en tous cas, elle a vraiment mis ces questions en évidence. Et la Discothèque féministe, c’est aussi pour nous une sorte de passage à l’action ! 

Et dans un tout autre registre, je choisirais Emilie Mayer, compositrice allemande du 19ième siècle, qui a été très prolifique. Nous avons découvert son histoire, qui est hyper symptomatique de l’invisibilisation des compositrices et plus généralement des femmes artistes. Elle a écrit plusieurs symphonies, des pièces grandioses pour orchestre ; elle a même été connue de son vivant, jouée en Allemagne mais aussi en Europe et in fine, personne ne savait où elle avait été enterrée jusqu’à très récemment. Ça montre bien comment l’histoire de l’art peut mettre des femmes de côté, au fond du fond de l’oubli ! L’invisibilisation quoi !

Gilles : En fait, quand tu commences à essayer d’embrasser un peu tous les styles musicaux, tous les registres, tous les territoires sur la planète, des musiciennes emblématiques et qui ont été d’une importance capitale dans la musique, il y en a une foultitude ! Donc, pour répondre à la question des figures, il faut que je me recentre sur moi, mon rapport à la musique et ma façon d’en être arrivé là où je suis aujourd’hui. Donc, je dirais les Slits ! C’est un groupe de musiciennes qui a eu son importance à son époque et qui, ensuite, a complètement été mis de côté en considérant que c’était un peu de la seconde zone du punk. Et puis, on est revenus dessus en se disant qu’en fait c’était des précurseuses ! Et petit à petit, on s’est rendu compte de l’importance véritable de ce qu’elles ont généré et des interactions qu’elles avaient avec les groupes super importants de l’époque aussi. Mais ça, c’est resté très souterrain. Les Slits, pour moi, c’est assez emblématique aussi de tout ce phénomène d’invisibilisation. Et puis, le bouquin de Viv Albertine a fini le game c’est clair ! 

Pour la 2ième, je remonterais beaucoup plus loin pour parler des femmes du blues et notamment de Ma Rainey qui a vraiment été une des artistes hyper importante de cette scène blues. Elle avait cette dimension en plus, cette puissance transgressive parce que c’était une lesbienne, parce que c’était vraiment la boss dans son métier. En gros, c’est elle qui décidait absolument de tout, avec qui elle jouait, avec qui elle produisait, de ce qui se passait. Et ça, c’était tellement dur en étant une femme noire, dans un milieu, une époque et un pays où c’était juste une guerre totale pour ces personnes. Et elle est devenue ultra célèbre, elle était riche, elle produisait ses trucs, ça c’est exemplaire !

D’autres articles

actualités
What About Her ? – Pauline Marcopoulos

What About Her ? – Pauline Marcopoulos

Pauline Marcopoulos a su très jeune que le spectacle vivant serait un élément très important de son équilibre de vie. Partager des émotions artistiques, surprendre des personnes dans la rue avec différentes formes de spectacles, ressentir l’adrénaline d’avant la...

lire plus
What About Her ? – Camille Muguet

What About Her ? – Camille Muguet

Camille Muguet aurait pu être géographe ou encore urbaniste, mais sa curiosité de longue date pour les « machines » et les personnes derrière les régies s’est vite rappelée à elle et l’a fait bifurquer vers une autre voie professionnelle. Et c’est au Brise Glace,...

lire plus
Des news

Recevez notre newsletter

Retrouvez ces informations dans notre newsletter trimestrielle en vous abonnant ci-dessous !