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What About Her ? – Bénédicte Le Pennec

Sep 30, 2024

Après avoir tenté le commerce international, Bénédicte Le Pennec s’est finalement résolue à écouter sa passion pour la musique. En effet, grande mélomane et spectatrice de concerts depuis son adolescence, son parcours professionnel est centré sur le contact humain et l’échange avec les artistes. La curiosité n’est pas ici un vilain défaut car Bénédicte est toujours en quête de nouveauté et guette les moments où la magie opère sur scène. Tout ceci l’a amenée aujourd’hui à occuper la place de responsable du développement artistique à la Nouvelle Vague, scène de musiques actuelles à Saint-Malo.

Alors direction Saint-Malo, et cette façade blanche marquée de lettres rouges qui vous interpellera sûrement, il s’agit de La Nouvelle Vague, la salle de concert de Saint Malo ! Réouverte sous ce nom en 2013 et gérée par l’association Terranova depuis 2017, la Nouvelle Vague est un lieu de musiques actuelles qui propose un flot de projets, des concerts des plus éclectiques pour les petit·es et les plus grand·es, des résidences, des formations, des studios de répétitions, des temps forts, du hors les murs, des projets avec les habitant·es, les scolaires, le milieu carcéral, etc. Mais cette joyeuse déferlante laisse aussi l’espace et le temps aux musiciens et musiciennes de s’y installer pour se faire accompagner dans la durée sous les conseils bienveillants de Bénédicte.

Entretien avec Bénédicte

Le Pennec

Comment es-tu arrivée à occuper ce poste de responsable du développement artistique à la Nouvelle Vague ? 

C’est une grande question ! En fait, c’est un poste qui est arrivé à l’issue d’un parcours de quasiment 14 ans que j’ai débuté initialement en Normandie. Je travaillais alors pour une agence régionale, dédiée aux musiques actuelles, sur la mise en œuvre et la coordination de dispositifs d’aide aux artistes, qu’ils soient émergent·es ou sur des parcours de professionnalisation. L’idée était vraiment d’offrir un dispositif régional qui réponde aux attentes et besoins des musiciens et musiciennes. Ce dispositif a beaucoup évolué au cours des 14 années durant lesquelles je l’ai suivi. Petit à petit, ça m’a forcément amenée à croiser beaucoup d’artistes émergent·es ou en développement. La particularité était que je travaillais pour une association qui n’avait pas de lieu. Donc tout ce travail, dit d’accompagnement, était plutôt un travail autour de la ressource. Nous étions là pour conseiller, aider à la structuration, aider les artistes à trouver des financements, se mettre en réseau avec des partenaires professionnels, etc.

Au bout d’un moment, je me suis aussi rendu compte que j’avais toujours envie d’expérimenter ce type de mission, mais en m’appuyant sur un équipement fixe. C’est ce qui m’a amenée travailler ici à la Nouvelle Vague. Même s’il y a une partie de mon travail qui est la même, c’est sûr que je suis dans quelque chose de beaucoup plus pragmatique aujourd’hui et qui est beaucoup moins en relation avec les institutions, certainement. 

Pour revenir un petit peu sur mon parcours initial, quand j’étais en Normandie, effectivement on était un organisme financé par l’État, la région et les départements normands. Nous étions aussi là pour répondre d’une certaine manière à une volonté politique de développer une politique culturelle en faveur des musiques actuelles qui réponde aux besoins du territoire. C’est vrai que c’était à la fois un travail de terrain, de conseil, de rencontres, de mise en œuvre de dispositifs, mais aussi beaucoup, beaucoup d’interactions avec des partenaires institutionnels sur la manière dont ces dispositifs devaient être mis en œuvre, comment on allait les financer, etc. Aujourd’hui, à la Nouvelle Vague, je suis vraiment beaucoup plus sur l’action, dans le concret. Ce qui n’a pas changé, c’est le temps que je passe à rencontrer des artistes, à échanger avec eux, à suivre leur parcours. C’est le fil conducteur. Et je pense que c’est ce qui était au centre de mes envies depuis le début. J’ai donc réussi à le conserver et j’en suis bien contente ! 

 

Est-ce que tu as un parcours musical ? 

Je ne suis pas du tout musicienne ! J’ai l’habitude de le préciser parce que ce n’est pas forcément très courant sur les profils dits d’accompagnement. Mais je suis plutôt mélomane ! Ce goût, cette envie sont nés, je pense, dès l’adolescence, j’ai adoré la musique, j’adore l’expérience-concert, j’adore cette expérience du live. J’ai fréquenté pas mal de salles de concerts, de festivals, parce que je suis bretonne et effectivement on a de quoi faire en général l’été dans cette région ! J’ai aussi fait pas mal de bénévolat dans des associations culturelles et sur des festivals notamment.
Après mon bac, j’ai fait une petite incursion dans le secteur du commerce international et je me suis rendue compte que ça ne me plaisait pas du tout. Alors je me suis dit : « OK, il faut aussi que tes études soient en phase avec ce que tu aimes, tes passions. » La musique en étant une, je suis donc partie sur un parcours universitaire assez classique. J’ai fait un IUP, métier des arts et de la culture puis j’ai enchaîné avec un master de développement culturel. Dans cette formation universitaire, il y avait des stages chaque année. J’ai donc choisi de faire mes stages dans le secteur des musiques actuelles : un stage pour un réseau de salles, dans un festival reggae, un autre beaucoup plus institutionnel, sur la création de studios de répétition dans le bassin minier autour de Lille, et enfin mon stage de fin d’études, que j’ai fait dans un festival de musique extrême au Québec, Envol et Macadam. Donc plein d’expériences un peu différentes.

Puis j’ai postulé sur un premier poste en Normandie. Je crois vraiment que ce sont mes stages et le bénévolat en parallèle qui ont fait la différence, parce que j’avais zéro expérience quand j’ai postulé et ça a marché ! Donc je pense que ça joue effectivement énormément sur la volonté de quelqu’un. Mon envie était réelle, je pense.

 J’ose espérer qu’on apporte un recul un peu différent, une approche beaucoup plus sensible à la musique et moins dans la technique.

Tu précises que ce n’est pas fréquent de ne pas être musicienne sur ce type de poste, est-ce que c’est un frein selon toi sur ce type de poste par rapports aux attente des artistes que tu accompagnes ?

Ce n’est jamais la première chose que les artistes me demandent, mais cela peut arriver au cours d’une discussion. Ce n’est pas forcément ça qu’ils ou elles viennent chercher. Finalement, je suis assez à l’aise avec ça parce qu’en fait, je pense qu’on apporte autre chose. J’ose espérer qu’on apporte un recul un peu différent, une approche beaucoup plus sensible à la musique et moins dans la technique. Ce qui m’importe, quand on travaille avec des groupes ou qu’on les accompagne, c’est ce qu’ils dégagent, ce qui va se passer, l’émotion qu’on ressent. Ça, on peut être le meilleur technicien du monde, s’il ne se passe rien, il ne se passe rien. Ça reste froid. Alors, pour moi c’est qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Donc j’ai plutôt développé cette partie-là, liée au sensible, on va dire, et puis un regard peut-être hyper humain sur ce qu’est la musique. Je pense que j’ai aussi accentué cette fonction plus « ressource », d’être en capacité d’accompagner sur la structuration des projets, sur la recherche de partenaires, sur la structuration administrative. J’ai donc un profil un peu différent peut-être de quelqu’un qui va être plus sur un coaching technique ou scénique. Moi je vais apporter des ressources sur l’autre pendant la structuration. Et aussi je pense, sur le rapport humain, émotionnel à la musique. Enfin j’espère ! Et puis finalement j’en croise de plus en plus maintenant  sur ces fonctions qui ne sont pas non plus musiciennes ou musiciennes.

 

En quoi consiste ton métier au quotidien ? 

Alors concrètement, je suis vraiment sur l’accompagnement artistique. La première chose que je fais pour les groupes qui me sollicitent c’est un rendez-vous que l’on appelle « diagnostic ». C’est une première rencontre pendant laquelle je pose plein de questions aux artistes et aux groupes pour comprendre qui ils ou elles sont, d’où ils ou elles viennent, comment ils ou elles parlent de leur musique. J’essaye à cette étape de capter leurs attentes, parce qu’en général, ils ou elles arrivent avec une demande, et en creusant, on se rend compte que ce n’est pas forcément de ça dont ils ou elles ont besoin. A partir de là on peut entrer dans des démarches qui peuvent aller plus loin. Parfois, à l’issue de ce premier rendez-vous, il ne se passe rien de plus en termes d’accompagnement. Je leur dis « Je pense que ce dont vous avez besoin aujourd’hui c’est de rencontrer un public et ce n’est pas moi qui vais vous l’apporter, donc confrontez-vous à ça et après on se revoit et on en reparle. » Pour certain·es, quand on sent que les besoins sont bien identifiés, bien définis, on peut travailler avec eux, les accompagner sur du temps de répétition. A la Nouvelle Vague, on a des studios de répétition où ils et elles peuvent venir répéter de manière intensive. On peut aussi leur proposer des temps de travail sur le plateau, ce qu’on appelle des résidences. Là, ils viennent durant des périodes plus longues, entre deux à cinq jours, soit dans notre grande salle, soit dans la petite, en fonction des dates qu’ils préparent, de leurs besoins. On peut ensuite travailler avec eux et mettre en synergie l’équipe technique du lieu qui va les aider à travailler sur le son ou la lumière du spectacle par exemple. Des fois, nous faisons intervenir des coachs scéniques extérieurs pour les faire évoluer, les faire avancer sur leur rapport à la scène et au public par exemple. On propose aussi des ateliers et des formations, ça peut être sur des choses très administratives comme gérer ses droits d’auteur, s’inscrire à la SACEM, comprendre les métiers de l’industrie musicale… Il y a également des formations sur le coaching vocal et plein d’autres possibilités. 

C’est tout un parcours qu’on essaye de mettre en œuvre pour que même si l’artiste ne devient pas professionnel·le, qu’il ou elle puisse évoluer, améliorer sa pratique et qu’il ou elle ait un rapport à la scène décomplexé, qu’il ou elle se sente à l’aise et à sa place sur scène. Enfin, pour qu’il ou elle comprenne mieux l’environnement dans lequel il évolue, parce qu’en fait, le secteur est assez complexe, il bouge beaucoup. C’est donc un ensemble d’actions qu’on met en œuvre pour faire en sorte que les artistes qu’ils ou elles soient amateur·ices, en développement ou professionnel·les se disent : « Ok, je suis à ma place, je comprends ce que je fais et pourquoi je le fais et je prends surtout beaucoup de plaisir à le faire. »

L’objectif final dans l’accompagnement, c’est de garder du plaisir, peu importe le niveau de développement du groupe.

Ton quotidien c’est donc 80% de temps d’échange avec des musiciens et musiciennes ? 

Ça dépend des périodes, il y a des moments où je vais avoir 3-4 rendez-vous dans la semaine puis une résidence dans le lieu donc je me rends disponible pour regarder l’évolution du travail. Par ailleurs, il y a quand même une partie assez administrative quand même ! C’est le cas en ce moment par exemple. Pour certains artistes ou groupes du territoire qu’on accompagne, on le fait avec d’autres salles. Donc on va chercher des financements auprès des partenaires publics pour financer ces productions mutualisées. Ça veut dire qu’on rédige des dossiers de présentation des artistes, des budgets prévisionnels avec forcément le coût d’une résidence, des frais de venue, d’hébergement le cas échéant, etc. Autour de ces résidences, on travaille aussi sur de l’action culturelle, donc on crée ces projets avec eux. En proportion, il y a peut-être 60% d’actions, d’échanges, de création de contenus, et puis 40% de tâches plus administratives. Ça dépend des périodes Et j’avoue que sur le mois de juin, souvent, c’est assez dense parce qu’on clôture une saison et on en ouvre une nouvelle. C’est souvent un mélange de rencontres, de prospectives et de rédactionnels et donc souvent une période charnière. 

 

Quelles sont d’après toi, les qualités ou les compétences pour exercer la fonction d’accompagnement artistique ? 

J’estime qu’il n’y a pas de compétences techniques obligatoires. En tout cas, si on part du principe qu’on n’est pas obligé d’être musicien ou musicienne pour accompagner des artistes. C’est surtout une capacité d’écoute qui doit être, je pense, assez développée. Forcément, de la bienveillance aussi ! Il faut également mettre de côté ses goûts personnels. Donc, il faut être en capacité de prendre un peu de recul. Je considère que quand on fait ce genre de métier au sein d’un projet d’intérêt général comme à la Nouvelle Vague, on doit être en capacité d’accompagner toutes les demandes. Tout le monde peut venir frapper à notre porte et être conseillé, accueilli, accompagné. Donc, effectivement, il faut être en capacité de mettre de côté ses goûts personnels, être à l’écoute, être en capacité de décrypter des non-dits ou des choses qui peuvent être dites et qui ne sont pas réellement le fond de la pensée des personnes. Il faut savoir recevoir la parole et savoir la traiter, l’analyser pour ensuite, être en capacité de guider au mieux. Donc, je pense que le goût pour l’humain est vraiment central, comme celui des interactions, de l’échange. Même les jours où on n’est pas hyper en forme, qu’on aimerait bien être dans son petit cocon toute seule, il faut quand même être disponible, il faut être ouvert·e d’esprit, et accueillir les personnes qui viennent chercher de l’info et du conseil.

Et puis, forcément, il faut quand même écouter des choses très différentes, très variées. La musique évolue beaucoup et je vieillis donc il faut aussi rester très curieux ou curieuse sur les nouvelles esthétiques musicales qui arrivent, les nouvelles façons de créer de composer et ne pas arriver avec son regard parfois un peu daté qui se dit « ah mais c’était pas comme ça avant » !  Aujourd’hui finalement il n’y a pas de bonne façon de créer ou de composer. À partir du moment où il se passe des choses, je trouve qu’une chanson peut être géniale, même si elle est composée de manière complètement dématérialisée, électronique. Donc la curiosité est quand même hyper importante. Voilà, je pense que c’est à peu près tout. Même s’ il n’y a pas réellement de compétences techniques. Alors forcément, je suis amenée à rédiger des dossiers donc il y a une petite capacité rédactionnelle à avoir, mais ce n’est pas central en tout cas !

Il faut aussi rester très curieux ou curieuse sur les nouvelles esthétiques musicales qui arrivent, les nouvelles façons de créer de composer et ne pas arriver avec son regard parfois un peu daté. 

Pour ton plaisir personnel, mais aussi pour ton travail, tu vas beaucoup en concert. Est-ce ta façon à toi d’entretenir une forme de curiosité ou as-tu d’autres ressorts ? 

Elle se développe à la fois par l’écoute, forcément sur les réseaux et je reçois aussi beaucoup de demandes, beaucoup d’infos. Parfois, c’est juste pour que les gens m’informent. J’écoute systématiquement tous les projets qu’on m’envoie et évidemment je vais sur des concerts. Mais forcément c’est de l’écoute quotidienne un peu au casque par petits moments dans la journée et des choses très différentes, je vais passer d’un artiste de chanson à du rap, de l’électro, du rock… Je me rends compte que je prends beaucoup plus de plaisir à aller sur des concerts de groupes émergents, encore « frais », parce que je reçois souvent quelque chose qui peut m’étonner. Je continue aussi à voir des concerts de groupes plus reconnus pour mon plaisir personnel. Mais finalement, je me rends compte que quand je vois les groupes évoluer, souvent, ce qui me revient à l’esprit, c’est leur premier concert. Quand je les ai vus la première fois. J’essaye aussi d’aller voir les choses les plus variées dans des lieux très différents. Comme la Nouvelle Vague, est un lieu qui accueille des concerts, j’ai la chance de ne pas avoir besoin de me déplacer beaucoup pour voir quand même pas mal de choses. Et comme nous accueillons aussi les artistes en résidence, j’en profite aussi pour me mettre un peu à jour. Mais de manière générale, je bouge régulièrement sur le territoire pour aller voir des groupes en concert. Alors, ce n’est pas une compétence, mais c’est une contrainte quand même. Il faut accepter le soir, le week-end, de prendre un temps pour ces moments-là. Même si vu de l’extérieur, ça paraît toujours des moments très cools et très sympas d’aller voir des concerts, parfois on va voir des choses qu’on n’aime moins ou pas !

Quand je vois un groupe pour la première fois qu’il se passe un truc, je les garde en mémoire ! 

Est-ce que tu remarques une différence genrée dans ce milieu, ce métier ? 

A la Nouvelle Vague, nous sommes en train d’étudier nos chiffres de fréquentation des studios de répétition. Et dans les studios de répétition, donc sur de la pratique musicale plutôt dans un cadre amateur, nous avons quand même très peu de femmes qui viennent répéter régulièrement ! J’en parlais encore hier avec les deux régisseurs de nos studios, elles sont vraiment à la marge. Et là-dessus, on a un gros travail de fond à mener ! Ça évolue un petit peu plus positivement quand on observe les artistes en développement de carrière. J’ai quand même l’impression que les efforts de ces derniers temps, en tout cas ceux liés aux incitations à programmer davantage d’artistes femmes, à les rendre visibles, etc. Je pense  que petit à petit, ça commence à changer. Hier, par exemple, on avait un groupe de rock qui était en résidence. Ils étaient à l’origine quatre musiciens, et là ils avaient un changement de bassiste. Ils ont choisi d’intégrer une musicienne qui a une place hyper forte dans le groupe. Donc on sent aussi que dans les mentalités évoluent. Mais il y a un travail de fou à mener, on est très loin d’approcher une parité ! Mais, mon inquiétude est vraiment sur la pratique en amateur. Je ne sais pas ce qui se passe dans nos studios de répétition et pourtant on essaye d’avoir des activités aussi en non-mixité, on en a proposé un petit peu, on continue d’en faire. Par contre, on fait aussi beaucoup d’efforts dans les choix des artistes qu’on accueille en résidence, qu’on accompagne tout au long de l’année, qu’on programme sur des premières parties, etc. On fait aussi l’effort d’essayer de trouver le meilleur équilibre entre la représentation féminine et masculine. Ce n’est pas toujours évident. Par ailleurs j’ai l’impression d’être sollicitée de plus en plus par des femmes en développement de carrière, ce qui était peut-être moins le cas avant. C’est un peu empirique ce que je dis, mais j’ai quand même l’impression que quand ces musiciennes voient une femme en charge de l’accompagnement artistique, elles viennent plus naturellement vers nous. Je ne pourrais pas dire si c’est vraiment vérifié, il faudrait leur poser la question. Je ne leur ai jamais demandé par exemple, je n’ose pas leur demander si elles me sollicitent parce que je suis une femme ou pas !  En tout cas cette année je vois dans les rendez-vous conseils que j’ai menés entre janvier et juin que c’est en train de s’équilibrer, j’ai vu autant de femmes que d’hommes. C’est plutôt rassurant, mais plutôt sur des projets en développement. Sur les projets purement amateurs, on n’en est pas du tout à ce niveau-là. Et c’est assez étonnant !

 Sur de la pratique musicale, plutôt dans un cadre amateur, nous avons quand même très peu de femmes qui viennent répéter régulièrement. 

Du côté de ton métier, quels sont tes constats sur la part des femmes sur ces fonctions d’accompagnement de groupes et de projets artistiques ? 

J’ai l’impression que ça évolue certes doucement, mais que ça évolue ! Quand j’ai commencé, il y a plus de 15 ans maintenant, je n’ai pas le souvenir d’avoir croisé beaucoup de femmes sur ce type de poste. Sur les réunions où je pouvais aller, sur des rencontres collectives où l’on partageait nos expériences, j’étais toujours entourée d’hommes. Je crois quand même que ça a joué aussi sur ma manière de me positionner et de travailler. J’ai l’impression peut-être d’avoir mis un peu plus de temps à m’affirmer sur mes fonctions. Je ne me sentais pas forcément illégitime, dans ce contexte, mais pas toujours hyper à l’aise dans ce monde très masculin, avec des codes très masculins et souvent justement des personnes qui étaient soit techniciens, soit musiciens, avec des rôles qui sont très identifiés comme masculins dans notre secteur. J’arrivais alors avec un profil un peu atypique, plutôt de mélomane, très axé sur l’humain, etc. Finalement, je pense que ça m’a forcée à développer encore plus cette posture-là, centrée sur l’humain, sur l’échange, sur la bienveillance. Je n’arrive pas à savoir si je l’aurais développé différemment si je n’avais été entourée que de femmes. Mais je pense quand même, que ça a joué sur ma manière d’approcher ce métier, et aussi pour apporter une façon d’accompagner qui est complémentaire des personnes qui vont être purement techniciennes, et souvent c’est des hommes dans ces cas-là !

J’ai l’impression en tout cas d’être sollicitée de plus en plus par des femmes en développement de carrière, ce qui était peut-être moins le cas avant.

Quels conseils donnerais-tu à une personne qui souhaiterait devenir responsable de l’accompagnement artistique ?

Se faire confiance ! Vraiment y croire quand on est passionné, ce n’est pas par hasard. Oser postuler à des endroits où on ne coche pas forcément toutes les cases, car, comme je l’ai dit, c’est surtout une question de personnalité dans ce métier. Donc, il faut se faire confiance. Même si des fois, j’ai encore du mal à me le dire, mais je pense que croire en soi et en ses capacités et se dire que, comme on est vraiment sur un travail d’humain, on va forcément apporter quelque chose de soi. C’est ce qu’il faut réussir à faire comprendre. C’est qu’à un moment donné, je pense que si je pars demain de la Nouvelle Vague, s’il y a quelqu’un qui prend ma place, l’accompagnement sera peut-être totalement différent, mais ce n’est pas grave. En fait, il n’y a pas de chemin tracé, il n’y a pas de façon, de manière type d’accompagner, de suivre un parcours. On suit des individus qui ont des demandes différentes. Donc, en fait, c’est juste de se faire confiance, de croire en sa manière de voir les choses et d’adapter au maximum ces accompagnements. Et même si mes premières années n’étaient pas toujours hyper confortables, je me suis dit que c’était vraiment ça que je voulais faire. Quand on sait qu’on est fait pour ça il faut prendre le temps, donner du temps au temps.Ce sont des métiers qui demandent aussi du temps dans la relation. Ce n’est pas comme faire de la compta ou appliquer une méthode toute faite. Il faut vraiment accepter de continuer à apprendre aussi tout au long de sa carrière et se remettre en question. Mais à partir du moment où on accepte ça, je pense qu’on est fait ou faite pour ce métier.

Croire en soi et ne pas lâcher ! 

Pour terminer, aurais-tu un ou des coups de cœur à nous partager dans les groupes à majorité féminine que tu accompagnes ? 

 

Alors dans mes derniers accompagnements, c’est encore un projet qui est naissant, je pense à une artiste qui habite à côté de chez nous, qui s’appelle Amel Amar. Elle avait un groupe initialement qui s’appelait Shake Sugaree, qu’on a accompagné, qui était un duo homme-femme. Ce duo s’est arrêté et elle lance son projet solo. Elle a participé l’année dernière au Gr Camp qui était organisé par Bonjour Minuit en 2023 où elle a rencontré une autre artiste féminine qui s’appelle Maclarnaque. Je crois qu’elles vont travailler ensemble et j’attends vraiment de voir ce que ça va donner parce qu’elle dégage un truc de dingue. Elle est aussi très drôle ! J’adore aussi dans mon boulot, rencontrer des personnes, qui ne se prennent pas au sérieux, qui ont beaucoup d’humour. Et ça, chez les artistes, quand il y en a, c’est génial parce que ça ne les empêche pas de faire un travail artistique hyper recherché, fouillé, mais à côté de ça, prendre de la distance et se dire, on ne fait que de la musique ! Je l’aime beaucoup et dès qu’elle sortira son projet solo je vous en ferai écouter des morceaux. 

Après, pour vous partager une autre des personnalités féminines que j’adore en musique, elle m’a surtout marqué en concert. C’est une artiste australienne qui s’appelle Cash Savage (groupe : Cash Savage and the Last Drinks) que j’adore voir en concert parce que pour moi, elle dégage un truc, j’ai toujours envie de dire que c’est la patronne quand elle est sur scène avec son groupe! C’est elle qui drive le truc quoi ! Et en même temps, elle reste très sensible. Et moi, c’est ça que j’adore, c’est souvent le rapport des femmes à la musique : c’est qu’on peut être hyper bien ancrée, bien sur scène, mais en même temps oser montrer des fragilités. Je trouve ça génial quand on retrouve ça chez des artistes en développement et c’est d’ailleurs ce que je retrouve chez Amel Amar qui est une personne rayonnante et je pense qu’elle va trouver sa place dans le monde de la musique !

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