Sororité sonores : faire vibrer l’empouvoirement des musiciennes !
Sororité sonores c’est d’abord l’histoire d’un projet commun, du premier projet commun même, entre le Ciel et la Bobine, deux structures historiques des musiques actuelles de Grenoble. Mais pas que ! Sororité sonores c’est aussi et surtout une proposition faite aux femmes, personnes non-binaire et minorités de genre musicien.nes de l’agglomération Grenobloise qui débutent ou non, de prendre toute leur place dans la création musicale, sur la scène, d’exprimer leurs réalités et leurs imaginaires. Une immersion en mixité choisie où elles et iels pourront faire résonner les sons de la sororité !
Au programme, deux semaines d’ateliers de pratiques et de création musicale accompagnée par la musicienne KCIDY, mais aussi de découvertes de l’environnement technique des musiques actuelles, des temps d’échange, de projections – débats, d’empouvoirement ! Et puis, si vous êtes curieux·se d’écouter ce qui aura été créé lors de ces deux semaines et bien rendez-vous en septembre prochain, pour le concert de Sororité sonores, ouvert au public, après une reprise des morceaux en résidence par les musicien.nes qui auront traversé cette aventure.
2024 verra la 2ème édition de ce projet qui propose en juillet prochain, 2 semaines de création musicale tant aux musicien.nes qui n’ont pas de pratique préalable, qu’à des musicien.nes plus confirmées, et nouveauté cette année, une 3ème semaine vient compléter le dispositif en s’adressant aux technicien.nes du territoire.
C’est Aurélia Chaboud, coordinatrice du Ciel et Stéphanie Courteille chargée de l’action culturelle et de la coopération à la Bobine qui ont concocté ce projet, qui nous en dirons plus sur sa genèse et ses contenus, mais avant petit détour par le centre-ville de Grenoble pour découvrir ces deux structures.
A 10 minutes à pied l’une de l’autre, les deux structures ont à cœur de donner la voie aux initiatives collectives et associatives, favoriser les rencontres et valoriser les pratiques musicales dans des espaces de diffusion en proximité du public. L’association projet BOB existe depuis 1998, mais c’est en 2009 qu’elle s’installe enfin dans son lieu actuel, l’ancien bowling du parc Paul Mistral qu’elle transforme en lieu dédié aux musiques actuelles avec 4 studios de répétition et un studio d’enregistrement, 1 salle de spectacle de 300 place, un restaurant – bar avec une scène pour accueillir d’autres formes de diffusion ! La salle du Ciel est également une structure historique de Grenoble, mais c’est en 2019 que l’association Pledge, actuelle porteuse du projet, réouvre le lieu avec un nouveau projet qui se déploie dans les sous-sols du palais de l’Université. Le Ciel c’est aujourd’hui une salle de concert de 175 places, 3 locaux de répétition, 6 dédiés aux résidences longues, une antenne radio Campus Grenoble et un tiers lieux.
Entretien avec Stéphanie Courteille
& Aurélia Chaboud
De quelles utopies, quels désirs, quels enjeux forts est né le projet « Sonorités sonores » ?
Stéphanie Courteille : Pour moi, il s’agit de permettre aux femmes, personnes non-binaire et minorités de genre de pouvoir être plus présent.es sur scène, mais aussi dans les lieux de pratiques musicales. Pour cela il est essentiel qu’elles se sentent plus à l’aise et qu’elles prennent toute leur place autant que le font les hommes aujourd’hui !
Aurélia Chaboud: Effectivement, ça c’est l’utopie la plus large ! Ensuite pour revenir au local parce que c’est notre échelle de travail et notre engagement au quotidien, nous sommes parties du constat qu’au Ciel, il y a 31% de musiciennes dans nos studios de répétition, 25% en résidence scénique et 8% en résidence longue et que nous devions agir pour tenter de rétablir un équilibre.
Stéphanie : A la Bobine aussi, nous partageons complètement ces constats. Il s’agit de les faire évoluer.
Aurélia : Et puis, il y avait aussi l’idée de créer des espaces où il est possible pour les femmes, personnes non-binaire et minorités de genre de pouvoir oser, de se faire confiance et de partager. L’idée est de proposer un parcours plus ambitieux, au-delà des premières tentatives que nous avions expérimentées comme les ateliers ou les jam en mixité choisie pour lesquelles nous avons eu vraiment plein de retours positifs. Avec Sonorités sonores, il s’agit de créer une temporalité d’action un peu plus longue !
Stéphanie : C’est l’idée de créer une bulle immersive où la confiance peut se développer à toutes les étapes de la pratique et de la création musicale.
Sonorités sonores c’est un espace privilégié pour que les femmes, personnes non-binaire et minorités de genre se sentent à l’aise, se sentent légitimes à pratiquer la musique, à monter sur une scène, participer à une jam…
Le projet est principalement né des échanges entre vous deux, mais quelles sont les forces vives que vous avez agrégées au fur et à mesure de la concrétisation de ce projet ?
Stéphanie : Nous avons tout d’abord recherché une musicienne intervenante. Nous avons exploré plusieurs pistes, mais nous nous sommes très vite arrêtées sur KCIDY, Pauline Le Caignec, musicienne qui vit dans la région lyonnaise. Elle avait déjà participé à un dispositif de transmission musicale autour de son répertoire, pour des personnes qui ne pratiquaient pas du tout la musique, au Confort Moderne à Poitiers. Elle a de suite été convaincue par le projet alors que dans sa pratique personnelle elle n’avait jamais eu l’expérience de la mixité choisie. Elle a été pleinement embarquée dans le projet et nous sommes très heureuses de retravailler avec elle sur la deuxième édition de Sonorités sorores cette année !
Aurélia : L’intérêt que KCIDY porte à la transmission a également été un élément décisif pour nous. On souhaitait aussi une artiste qui soit pleinement intéressée par le lien avec les autres, qui apprécie autant les moments de transmission et de création musicale et que la relation avec les participant.es sur les temps plus informels. Une personne qui s’empare de la globalité du projet, qui l’investisse à sa manière mais pleinement ! Et on a trouvé cet appétit chez KCIDY !
Stéphanie : Et puis il y a eu l’équipe de techniciennes, Sophie Deraisin la régisseuse générale de la Bobine, Lulu, Mathilde, et Zoï qui sont des technicien.nes son. Iels étaient déjà présent.es sur la première édition et ont proposé aux musicien.nes des séances de sensibilisation à la technique du spectacle, Iels les ont accompagnées sur leur première scène ! C’est précieux aussi que ce soit des femmes, personnes non-binaire et minorités de genre qui puissent être sur l’accompagnement technique d’un tel projet pour préserver la bulle de confiance. Nous avons aussi été accompagnée par Matilda Fayard, responsable de la vie associative et de la coordination des bénévoles sur la programmation à la Bobine. De par sa formation et ses engagements militants, elle a pu nous aider et nous soutenir par rapport aux enjeux de genres, travailler notre posture pour prendre soin des participant.es tant par l’accueil mais aussi dans nos échanges. On a pris un temps précieux avec elle et KCIDY pour être plus à l’aise sur ces questions.
Aurélia : Nous avons également invité deux collectifs lyonnais qui travaillent vraiment sur ces questions-là. C’est le collectif les Canutes, qui propose un atelier sur l’écosystème des musiques actuelles et le collectif de musiciennes Trajectoires qui questionne avec les participant.es « comment faire collectif ? ». Sur certains temps d’échanges plus ouverts, nous avons aussi invité d’autres musiciennes grenobloises et d’autres professionnel·les de l’agglomération.
Dans vos structures respectives, au-delà de vous deux, et des collègues que vous avez citées, les équipes ont-elles adhéré au projet ? Comment s’est fait le partage du projet avec les équipes, avez-vous ressenti des endroits de résistance?
Stéphanie : Du côté de La Bobine, je n’ai pas senti d’endroit de résistance, mais j’ai quand même un petit regret sur la communication de ce projet en interne. J’aurais aimé encore plus impliquer mes collègues sur la première édition. J’aurais aimé pouvoir laisser la place à d’autres membres de l’équipe. Iels sont venu.es pendant la restitution et là l’ensemble de l’équipe était bien présent.es, mais c’est vrai que je réfléchis encore à comment les intégrer davantage dans ce projet. Au-delà de ça je n’ai pas rencontré de résistance, au contraire c’était plus de la curiosité !
Aurélia : Au Ciel, l’équipe en place mettait déjà des actions en non mixité avant ce projet, notamment le chargé d’accompagnement ou le régisseur qui s’occupait des jams en mixité choisie. L’équipe était aussi présente sur les temps de restitution de la première édition. Effectivement, cette année certaines personnes de l’équipe souhaitent être associées plus en il y Il y a beaucoup d’envie collective autour de ce projet !
Sororité sonores, c’est un espace pour que les musicien.nes prennent toute leur place sur la création collective, qu’iels trouvent l’endroit pour oser, pour essayer, qu’iels testent différents instruments, même ceux qu’iels ne pratiquent pas au sein de leurs projets musicaux personnels !
Qu’est-ce qui vous enthousiasmait particulièrement à l’idée de proposer l’an dernier pour la première fois le projet ? Et cette année, au regard de votre première expérience, quel est, pour chacune de vous, le moment un peu clé ou qui vous fait vibrer un à l’idée de vous replonger dans cette aventure ?
Stéphanie : Sur la première question, avant la première édition, ce qui m’enthousiasmait c’était de mettre tout en œuvre pour prendre soin des femmes, personnes non-binaire et minorités de genre pour qu’ Iels puissent se sentir à l’aise et en légitimité d’oser faire de la création musicale, de contribuer à l’empouvoirement de ces personnes, à notre endroit. Il y avait aussi l’idée de travailler avec le Ciel, de porter un projet commun sur Grenoble, pour la première fois !
Aurélia : Ce qui a contribué à mon enthousiasme l’an dernier, vient de l’expérience de Wah! que j’ai vécue en 2021 – 2022. Une expérience de mentorat qui s’adresse plus largement, au-delà des musiciennes, à des femmes qui travaillent et qui créent dans les musiques actuelles. Et de voir tout ce qui en découle après deux ans encore, la force d’un tel dispositif sur la durée, m’a donné pleinement envie de pouvoir, à mon échelle, transmettre une expérience de ce type sur mon territoire d’autant qu’on avait décidé de le faire ensemble avec la Bobine.
Stéphanie : Aujourd’hui ce qe motive à recommencer sur cette deuxième édition, c’est qu’il y a une dimension que je n’avais pas anticipée l’année dernière, c’est l’impact que cela à eu sur moi. Ça m’a permis de prendre confiance pour mener des ateliers, pour parler en public. Alors, bien sûr toujours dans cette bulle liée au projet, mais ça m’a donné beaucoup force aussi et c’était très riche en émotions. J’ai hâte de pouvoir à nouveau expérimenter à ces endroits-là.
Aurélia : Pour moi c’est le temps bilan, de ressenti sur le parcours traversé qui est un moment hyper hyper fort ! Voir tout ce qu’il en ressort et même encore plus loin que le temps de bilan, c’est effectivement sur la durée que ça me marque. C’est de recroiser des participants de l’année dernière, qui, six mois après nous redisent à quel point ça a été une expérience riche, forte, constructive pour elles, à quel point il s’est créé un vrai groupe, c’est vraiment ces retours à postériori qui me marquent. Pendant tout le dispositif nous faisions des petits bilans tous les soirs, il y avait des réussites, il y avait des choses qui nous questionnaient, il y avait beaucoup d’interrogations pendant toute la semaine, mais on était quand même plutôt contentes et de vraiment avoir ce temps de bilan qui pose ces choses-là et qui nous fait prendre conscience à quel point tout ce qui a été traversé à différents endroits était fort et authentique ….oui c’est vraiment ce moment-là qui est marquant pour moi.
Quelles figures féminines ou de personnes minorisées par leur genre vous inspirent ce projet ?
Stéphanie : Très honnêtement, il n’y a pas de figure féminine qui soit la synthèse de ce projet, même si on a essayé d’en chercher ! On voudrait plutôt mentionner toutes les actions en mixité choisies, celles qu’on a pu tester nous-mêmes dans des thématiques différentes, ou celles qu’on a pu voir, se créer à droite et à gauche, tous ces dispositifs qui se sont créés pour accompagner des femmes, personnes non-binaire et minorités de genre à prendre de la place, à prendre toute leur place dans la société. C’est ça qui nous a donné envie de créer cet espace-là !
Aurélie : C’est là aussi où je voulais reparler de Wah!, de toi, Stéphanie à la FEDELIMA qui coordonne ces dispositifs et de toutes les participantes de ma promo Wah!, ça reste pour moi des inspirations tout à fait, des femmes inspirantes !
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© Photos Pascale Cholette
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