What About Her ? – Jeanne Ledoux
Devenir régisseuse son aurait pu être une évidence pour Jeanne Ledoux, originaire de Reims, musicienne depuis très jeune, aujourd’hui technicienne, assistante son à la Cartonnerie, scène de musiques actuelles de l’agglomération rémoise. Pourtant, c’est par la pratique instrumentale, et au fil de rencontres et d’une immersion progressive dans le secteur musical que son chemin professionnel vers la régie son s’est construit et affirmé. Aujourd’hui devenue une certitude, une motivation, une énergie, la régie son et tout ce qu’elle cache de possibles rencontres et découvertes est un véritable puits d’énergie pour Jeanne, qui nous a partagé son entrée enthousiaste dans ce métier !
Du haut de ses 18 ans, la Carto, comme beaucoup l’appelle affectueusement, est désormais un lieu majeur des musiques actuelles en France. Ce paquebot des musiques actuelles sur l’agglomération rémoise et bien au-delà , a ouvert ses portes en février 2005, non loin de la gare, impressionnant bâtiment de verre, de bois et de béton. La Carto, c’est 4000 mètres carrés dédiés à la pratique musicale et l’accompagnement des groupes avec 6 studios de répétition, à la diffusion, la création, la découverte artistique, le soutien à la scène locale et nationale avec 1 grande salle de concert et un club, des accueils de groupe en résidence, de la formation, de l’action culturelle, de la ressource, un festival, un club d’entreprises, des espaces de convivialité où se rencontrer, se restaurer, boire un verre… Et surtout une équipe d’une bonne trentaine de personnes pour piloter ce joyeux navire !
Entretien avec Jeanne Ledoux
Qu’est-ce qui t’a donnĂ© envie de devenir technicienne son ?
C’est une grande question ! Je fais de la musique depuis toute petite, donc je pense que ça vient de lĂ . Je joue de la flĂ»te traversière et du saxophone, j’ai appris d’abord en Ă©cole de musique puis au conservatoire. Au dĂ©but, c’Ă©tait juste un loisir qui est devenu une vraie passion au fil du temps, et, en fait, au fur et Ă mesure, j’ai vraiment voulu continuer dans la musique et travailler dans ce milieu-lĂ ! Je pense que c’est venu comme ça, petit Ă petit par la pratique musicale et puis c’est devenu une Ă©vidence. Je n’ai pas eu un Ă©lĂ©ment dĂ©clencheur en particulier qui me fasse dire un jour « ah ok c’est vraiment ça que je veux faire ! ».
Et puis voilĂ , aujourd’hui je suis en alternance Ă la Cartonnerie, je suis encore pleinement entourĂ©e par la musique, pour moi, c’est trop bien ! Je pense que c’est vraiment le fait d’avoir pratiquĂ© la musique depuis toute petite qui m’a permis de rester en contact avec le milieu musical, qui m’a ensuite donnĂ© envie de poursuivre mon parcours dans cet univers professionnel, qui m’a permis de dĂ©couvrir la rĂ©gie son et de me dire que je voulais en faire un mĂ©tier.
Devenir rĂ©gisseuse son, pour moi, c’est venu au fur et Ă mesure de ma pratique musicale et de ma dĂ©couverte du secteur de la musique.
En fait, par rapport Ă ce choix de mĂ©tier, j’ai quand mĂŞme un souvenir de quand j’Ă©tais enfant. J’étais allĂ©e voir une comĂ©die musicale avec mes parents. A l’époque j’Ă©tais trop petite pour comprendre qu’il y avait des techniciens et tout un environnement technique pour permettre la diffusion du spectacle. Mais j’avais dĂ©jĂ dit alors Ă mes parents que je voulais faire ça, « ĂŞtre dans le spectacle », partir en tournĂ©e, etc. Je pense qu’il y avait dĂ©jĂ une petite Ă©tincelle au fond de moi qui m’animait par rapport à ça !
Justement, dans ton entourage proche, comment la musique était-elle présente ?
Mon papa a pratiquĂ© un peu la musique, nĂ©anmoins je n’ai pas grandi dans un environnement musical. Mais surtout, mes parents m’ont laissĂ© le choix quand j’Ă©tais petite, de dĂ©cider des loisirs que je voulais pratiquer en dehors de l’école. J’ai eu cette chance-lĂ ! Et je leur ai dit que je voulais faire de la musique. Donc voilĂ , j’ai commencĂ© au dĂ©but par l’Ă©veil musical pour les tout petits Ă 3 ou 4 ans, puis un peu de piano et ensuite je me suis plus dirigĂ©e vers la flĂ»te traversière et après vers le saxophone. J’ai aussi eu l’occasion de voir beaucoup de concerts. Petit Ă petit, j’ai observĂ© et je me suis rendu compte du matĂ©riel et tout ce qu’il y a autour de la scène, du spectacle, ça m’a intĂ©ressĂ©. Je pense que ça a jouĂ© sur mes envies futures en termes d’orientation professionnelle.
A ce propos, quel a été ton parcours de formation pour répondre à cette envie professionnelle ?
J’ai eu un bac S, scientifique. Ensuite, je suis partie en licence de musicologie. LĂ j’ai eu l’occasion de faire un stage, d’abord dans un studio d’enregistrement Ă Reims et un ingĂ©nieur de ce studio m’a proposĂ© de faire un autre stage sur le festival La Magnifique Society organisĂ© par la Cartonnerie. Au travers de cette expĂ©rience, j’ai dĂ©couvert la sonorisation live et Ă partir de lĂ , je me suis dit OK, c’est le mĂ©tier que je veux faire, c’est ça, c’est sĂ»r et certain ! J’ai quand mĂŞme fini ma licence de musicologie. Ensuite est arrivĂ© le COVID qui a compliquĂ© la suite de mon parcours, car je souhaitais poursuivre avec une formation plus spĂ©cialisĂ©e dans la gestion sonore, en alternance. Mais sur cette pĂ©riode, les lieux culturels Ă©tant fermĂ©s, c’Ă©tait compliquĂ©. J’ai donc fait une première annĂ©e de DN MADE [DiplĂ´me National MĂ©tiers d’Arts et du Design] mention spectacle, en rĂ©gie, l’annĂ©e dernière. Puis, j’ai eu la proposition de la Cartonnerie pour travailler en alternance au sein de la structure et poursuivre ma formation vers la sonorisation. En ce moment, je suis, pour une partie, technicienne assistante son Ă la Cartonnerie et pour l’autre partie, en formation au CFPTS [Centre national de Formation Professionnelle aux Techniques du Spectacle] Ă Bagnolet pour 2 ans. Je suis une formation professionnelle pour devenir rĂ©gisseuse son.
Au sein de ma formation de régie son, on est 3 femmes pour 12 personnes au total
Quels sont les aspects de ton métier que tu apprécies le plus ?
Je dirais que j’aime mon mĂ©tier parce que je bouge tout le temps et ce n’est jamais pareil. Ce n’est pas rĂ©pĂ©titif du tout et ça, c’est quelque chose qui est important pour moi. Je ne voulais pas rester assise derrière un bureau toute la journĂ©e ou faire toujours la mĂŞme chose. Donc j’apprĂ©cie beaucoup cette partie-lĂ de mon travail, je bouge et je vois plein de monde. On accueille et on rencontre tout le temps des personnes diffĂ©rentes avec les groupes qui viennent jouer. Et puis ça me permet d’Ă©voluer, de dĂ©couvrir plein de situations variĂ©es et c’est vraiment très enrichissant humainement. Et ça c’est gĂ©nial !
Que fais-tu concrètement à la Cartonnerie en termes de régie son ?
En ce moment, je commence doucement Ă prendre les rĂ©gies Ă la console, en face et en retour, et j’ai aussi fait beaucoup de rĂ©gie plateau avant. Mais lĂ petit Ă petit, les collègues me font confiance et me laissent derrière les consoles pour les premières parties ou pour les spectacles jeune public. Ça me permet de me jeter dans le grand bain de la sonorisation, de m’y mettre vraiment, ça j’apprĂ©cie !
Interviens-tu parfois sur des résidences ou en répétition ?
Oui j’ai dĂ©jĂ accueilli des sonorisateurs qui accompagnaient des groupes lors de rĂ©sidences, mais dans ce cas-lĂ on est davantage sur un accueil, un soutien, plus que sur une rĂ©elle sonorisation. Le plus souvent, le groupe vient travailler avec son ou sa rĂ©gisseur·se qui sonorisera ensuite le groupe sur ses dates ou sa tournĂ©e. Quant aux studios de rĂ©pĂ©tition, c’est vrai que sur cette première annĂ©e Ă la Cartonnerie, je n’ai pas trop eu l’occasion d’aller les voir, j’aimerais bien prendre davantage ce temps l’annĂ©e prochaine et dĂ©couvrir cet autre aspect du mĂ©tier de rĂ©gisseur·se son !
Est-ce qu’il y a des aspects de ce mĂ©tier qui te correspondent moins ?
LĂ , aujourd’hui, il n’y en a pas qui me viennent Ă l’esprit pour l’instant, peut-ĂŞtre que dans cinq ans, je rĂ©pondrai oui ?
Si tu devais présenter ton métier à une personne qui ne connaît absolument pas ce qu’est la régie son, que dirais-tu ?
Oh lĂ là … je dirai que l’équipe de rĂ©gie son permet de diffuser le son, la voix ou la musique des artistes ; c’est par notre biais que le public peut entendre ce qu’ils font sur scène un peu mieux. Et puis quand on est au plateau, sur scène, on est dans l’installation, la prĂ©paration, l’accompagnement des artistes toute la journĂ©e. Après, Ă la diffĂ©rence de la lumière, le son ne se voit pas. Mais je pense qu’on est tout aussi important. Je suis Ă©galement chargĂ©e de la maintenance du matĂ©riel. C’est un peu Ă moi de rĂ©parer les petits trucs qui ne marchent pas, mais j’aime bien aussi cette partie du travail. J’adore faire de la soudure, ça me dĂ©tend, donc ce n’est pas une corvĂ©e pour moi !
Quel est ton rythme de travail, comment s’organisent tes journées ?
En fait, ça dépend des jours, les rythmes et les horaires de ce métier sont variés. Les jours de concert, on commence en général en fin de matinée, sauf pour les concerts qui nécessitent des installations très importantes, qu’il nous arrive de faire plus tôt dans la matinée. Et puis on finit le plus souvent vers minuit, une heure du matin, après le concert, le temps de tout démonter, de tout ranger. Mais il y a aussi des journées plus calmes lorsqu’il n’y a pas concert ! Ces jours-là nous permettent de faire de la maintenance, par exemple, d’être un peu plus posé·es. Ce sont des journées avec des horaires de travail similaires à ceux « des bureaux ». Ça nous arrive souvent de travailler le weekend ou certains jours fériés.
La régie son dans les musiques actuelles n’est pas un milieu très féminin, comment vis-tu cet aspect-là ?
Moi ça va, je le vis bien. J’ai la chance d’être Ă la Cartonnerie et c’est une Ă©quipe très bienveillante et en attention Ă ce niveau-lĂ . Après, il y a Ă©galement le facteur des Ă©quipes techniques et artistiques qu’on accueille, ce n’est pas toujours aussi bienveillant, mais je pense qu’il faut quand mĂŞme y aller, il faut foncer et ne pas hĂ©siter si c’est ce qui nous anime. En fait, je suis assez timide et rĂ©servĂ©e dans la vie, mais sur le plateau, je n’ai pas le choix que de dĂ©velopper un fort caractère pour m’imposer un peu ! Et puis l’univers de la technique du spectacle se dĂ©mocratise de plus en plus, je vois de plus en plus de femmes dans ces mĂ©tiers.
A la Cartonnerie, je suis la seule femme permanente dans l’équipe technique, après il y a quand même des techniciennes intermittentes qui viennent travailler régulièrement
Comment imagines-tu ton futur professionnel Ă 5 ans ?
Dans 5 ans, j’aimerais ĂŞtre sur les routes, partir en tournĂ©e avec des artistes, bouger, dĂ©couvrir plein d’endroits, ce serait vraiment gĂ©nial ! Ce serait ça mon premier objectif de carrière ! J’aimerais bien Ă©galement dĂ©couvrir d’autres univers que ceux des concerts, comme celui du théâtre ou de la danse, mais les concerts, le live c’est ce que je connais le plus et qui m’a motivĂ© jusqu’ici !
Je suis dĂ©jĂ très contente de faire un mĂ©tier qui me passionne ! Quand je me lève le matin, je suis contente d’aller travailler et je considère ça comme une grande chance. Et puis, au fur et Ă mesure, je me vois Ă©voluer aussi, j’arrive Ă prendre confiance en moi. Enfin, c’est un mĂ©tier qui pour moi est super enrichissant, vraiment ! Franchement, pour l’instant, c’est du bonheur !
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