De Girls in a band à She rocks! : quand le 9-9bis fait la part belle aux musiciennes et au punk rock garage !
La dernière semaine de novembre 2022 était placée sous le signe de la création musicale féminine au 9-9bis ! Une création qui se veut généreuse, plurielle et accueillante qui commencera par une résidence en mixité choisie avec le projet Girls in a band.
Accompagnées par l’artiste lilloise SaSo, des musiciennes du territoire ont vécu cinq jours ensemble où rencontre et créativité étaient de chaque instant ! Elles ont proposé un moment de restitution de cette semaine en ouverture de la soirée She Rocks! le samedi 26 novembre. Mais pour ne rien rater de cette journée, il fallait arriver un peu plus tôt dans l’après-midi ! She rocks a débuté réellement dès l’après-midi avec la projection du documentaire la Cantatrice Chôme suivi d’un temps d’échanges retransmis par la radio compiégnoise axée sur la découverte musicale, Graf’hit. À partir de 19h, place à la musique, avec une soirée foisonnante emmenée par 5 groupes qui mettent à l’honneur les musiciennes et le punk-rock-garage !
© Photos David Tabary
Si vous lisez ces lignes à plusieurs centaines de kilomètres des anciens bassins miniers du Pas-de-Calais, laissez-nous vous dire quelques mots sur la singularité du 9-9bis. Ancien carreau de fosse, ces sites où se trouvaient les installations techniques de surface nécessaires pour l’extraction du minerai de charbon, le 9-9bis à Oignies fait partie, depuis 1992, des 5 cinq sites du bassin minier inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre de “paysage culturel évolutif“. C’est un ancien ensemble minier complet avec sa fosse, le terril 110 et la cité-jardin De Clercq.
Il est symboliquement le dernier carreau de fosse à avoir fermé en décembre 1990 mettant fin à 270 ans d’extraction charbonnière sur ce territoire. Mais depuis 10 ans, c’est une nouvelle dynamique que connaît ce site en proposant des passerelles entre patrimoine et vie culturelle. En 2003, la Communauté d’Agglomération Hénin-Carvin fait l’acquisition du site auprès des Charbonnages de France et décide d’un projet de reconversion basé sur le développement culturel et économique. Devenu Établissement Public de Coopération Culturelle, le 9-9bis développe désormais un projet culturel et artistique axé sur les pratiques musicales et la valorisation du patrimoine minier. Au-delà de l’ensemble du site qui fait mémoire, ce projet s’incarne tout d’abord au travers du Métaphone, salle de spectacles et “instrument de musique“ à l’architecture contemporaine et atypique. Inauguré en juin 2013, il propose une programmation éclectique ouverte aux musiques actuelles et populaires et s’impose également comme un lieu de création. C’est ensuite en septembre 2016 qu’est rouvert l’ancien « bâtiment des douches » pour accueillir des espaces de pratiques et d’accompagnements artistiques (studios de répétition, auditorium, plateau de danse…). Heureuse seconde vie pour ce site qui fait résonner le passé industriel et minier de Pas-de-Calais avec les enjeux d’expression, de créativité, d’émancipation et de partage des musiques populaires !
C’est avec Juliette Lucas, chargée de l’action culturelle et Cédric Charbonnier, chargé de l’accompagnement artistique, des pratiques amateurs et de la coordination des musiques actuelles que nous avons partagé plus amplement les différentes tonalités de cette semaine automnale placée sous le signe des musiciennes au 9-9bis!
Entretien avec Juliette Lucas et Cédric Charbonnier
Quelles utopies se cachent derrière le projet She rocks ?
Cédric Charbonnier (CC) : Ce qui nous a animé·e·s quand on a construit She Rocks ! c’était l’idée que les pratiques et la diffusion musicales soient plus inclusives, peu importe le genre dans lequel on se reconnaît, qu’on soit une personne non-binaire, trans, etc. Nous voulions davantage être en phase avec notre société sur ces enjeux-là et défendre le fait que les musiciennes ont autant leur place sur scène et dans les salles de concert que les hommes ! Il s’agit également de contribuer à une déconstruction des représentations par rapport à la place des musiciennes et des styles musicaux. C’est pour cela qu’on a choisi le punk-rock-garage pour questionner l’entrée du genre dans les musiques actuelles. Enfin, le 9-9 bis est une structure publique qui a un engagement par rapport à la société dans laquelle on vit et nous nous devons d’être un reflet de cette société dans toutes ses diversités.
Juliette Lucas (JL) : La diversité des identités devrait être un vecteur de créativité, d’échanges, de dynamiques et non pas une source d’empêchements, de frustrations, ce que sont les codes patriarcaux. Avec Girls in a Band et She rocks, l’utopie c’est à la fois d’agir sur le milieu dans lequel on travail, celui des musiques actuelles, mais aussi montrer que les musiques actuelles peuvent être un vecteur de changement pour la société plus largement ! C’est ce double impact qui est intéressant et qui permet de renforcer les processus d’accessibilité !
D’une manière générale, notre ambition est de décloisonner les représentations des pratiques artistiques qui seraient affiliées à certains genres, car en fait ça ne veut rien dire !
Quelles sont les forces vives de ce projet ?
CC : Nous souhaitions réellement trois temps différents sur cet évènement : un temps de création collective, un temps d’échanges et de débats largement ouvert à toutes et tous et un temps de diffusion qui valorise des groupes majoritairement féminins. Le but de tout ça est de créer un temps fort, une sorte de mini festival sur ces enjeux d’égalité entre les genres ! Nous avons aussi ciblé le punk-rock-garage comme style musical rassembleur sur la journée She rocks !
Nous avons tout d’abord contacté l’association lilloise Loud’her qui nous a accompagnés dans le montage du projet, de la création à la communication afin que dans tous les aspects, She rocks! soit un projet inclusif, ouvert et accueillant. Elles ont l’expérience des résidences Blam! et une réelle expertise sur ces enjeux.
Nous avons ensuite contacté Stéphanie Gembarski à la FEDELIMA qui nous a également parlé de laCantatrice Chôme. C’est avec elles que nous avons posé les bases de la journée grand public du 26 novembre.
L’artiste lilloise SaSo a été très vite impliquée également. Nous lui avons demandé d’accompagner les musiciennes qui créeront ensemble durant, Girls in a band, la résidence en mixité choisie qui aura lieu du 21 au 25 novembre, elle avait déjà travaillé sur des résidences en mixité choisie, notamment avec Loud’Her. Juliette a ensuite pris le relai sur l’aspect action culturelle du projet.
JL : Pour moi, en tant que chargée d’action culturelle, les forces vives sont en premier lieu le public. Le projet She rocks! rencontrera deux publics différents : toutes les personnes qui viendront le 26 novembre sur une journée largement ouverte à chacune et chacun. Et des lycéens et lycéennes que nous rencontrerons le 25 novembre suite au visionnage du documentaire de la Cantatrice Chôme.
Ce qui est intéressant à cet âge charnière de la construction de soi, c’est de leur permettre de réfléchir sur leur regard en tant que spectateur et spectatrice ainsi que sur leur propre parcours, leur envie ou pas d’aller vers des parcours de vie de musiciennes, de musiciens. L’adolescence est aussi un moment d’orientation, de premiers choix vers un parcours d’insertion professionnelle. Les musiciennes, les publics, les lycéen·ne·s, mais aussi les relais dans le lycée qui nous accueillera, comme la documentaliste par exemple, sont pour moi les principales forces vives de cette semaine.
CC : Ce cycle d’actions que nous proposons autour des questions d’égalité des genres a révélé une réelle volonté de travailler ces enjeux sur le territoire. Beaucoup de personnes, de structures partenaires étaient en questionnement sur cette thématique, mais n’osaient pas se lancer seules. Avec Girls in a band et She rocks !, nous avons aussi réussi à fédérer plus largement !
En interne, au sein de l’équipe du 9-9bis aussi, nous avons fait preuve de médiation, notamment par rapport à la notion de mixité choisie qui peut soulever différentes interrogations, notamment par rapport à notre statut d’établissement public qui se doit d’être ouvert à tous et toutes. Il a fallu expliquer en quoi ce moment de création collective en mixité choisie était une étape pour ensuite générer encore plus d’inclusivité dans un univers mixte.
Il a fallu dépasser les scissions générationnelles, faire de la médiation pour dépasser nos représentations respectives sur les assignations de genre
Qu’est-ce qui vous enthousiasme particulièrement à l’idée de vivre ce projet ?
CC : Je suis particulièrement motivé par l’idée que nous allons proposer un temps de rencontre ouvert aux personnes, aux professionnel.les, aux musicien.nes de la région ; que l’on va réussir à boire une bière toustes ensemble, à créer des connexions, un temps cool et convivial, que nous allons pouvoir discuter de ces enjeux de manière bienveillante. Je me dis qu’on va passer un bon moment avec du fonds, des échanges sincères, qu’on sera uni.es sur ce moment.
JL : Je m’attends à beaucoup d’émulation et de bienveillance, que ce soit pour les workshops, les temps de rencontres plus professionnels ou avec les lycéen.nes avec qui on prévoit un temps d’échanges le vendredi avec la musicienne Laurène Vatier et Manon Caussignac de la Cantatrice Chôme. Je me dis qu’on va entendre des personnes oser nous dire des choses qui puissent nous aider à aller vers d’autres étapes pour plus d’égalité et d’inclusivité dans la musique.
J’espère que notre initiative va dynamiser des personnes pour, qu’à leur tour, elles fassent des choses pour l’égalité entre les genres dans la musique, pour les musiciennes, pour que ça crée du lien sur le territoire !
Pourquoi il est super important de venir à She rocks le 26 novembre prochain ?
CC : C’est une belle occasion de découvrir à la fois un très beau plateau punk-rock-garage et une première partie inédite, résultat du workshop. C’est assez magique de voir cette création qui sera faite en quelques jours, qui sera assez unique ! Cette soirée permet aussi de soutenir la scène féminine, de voir plein de visages nouveaux, des groupes en émergence ! Il va y avoir plein d’approches différentes et ça risque d’être assez riche !
JL : C’est une chance ce plateau, ce temps fort, à un prix très doux de 10 € ou 5 € en tarif réduit. La conférence et le débat sont gratuits dans l’après-midi, il faut profiter de ces temps de rencontres !
Quelles figures féminines vous inspirent ce projet ?
JL : A titre personnel, je n’écoute pas beaucoup de punk-rock-garage. Mais, en écho à la couleur artistique du projet She rocks, j’ai pensé à une personnalité que je trouve « punk » en termes d’attitude. Il n’y a pas très longtemps, nous avons programmé Mansfield.TYA au 9-9bis, le duo dans lequel joue entre autres, Rebeka Warrior. Et cette artiste a marqué mon adolescence avec Sexy Sushi notamment. Je trouvais ça incroyable qu’une femme puisse être autant affirmée et déjantée.
CC : J’ai deux figures féminines à proposer. En découvrant la question, j’ai pensé direct à ma mère qui est une femme très engagée dans le milieu associatif. Elle s’est toujours engagée dans le soutien aux associations sportives et artistiques dans un milieu rural très marqué par des valeurs de « chasse, pêche et tradition ». C’est une personne très ouverte d’esprit qui m’a offert ça, qui m’a encouragé à aller vers la musique alors que mes parents n’avaient pas du tout ces pratiques ! C’est pour moi une femme forte et inspirante.
La deuxième femme que je relierai à She rocks, c’est Kim Gordon, une grande figure du rock indé avec un jeu à part. Elle a été très prescriptrice dans le fait de pousser d’autres femmes à faire de la musique. Elle a incité Courtney Love à créer son groupe. Elle a créé le groupe Free Kitten avec Julia Cafritz, co-réalisé le clip de Cannonball des Breeders !! Elle a pleinement contribué à ce mouvement rock indé féminin !
D’ailleurs le workshop en mixité choisie qui se déroule du 22 au 25 novembre et dont la création fera l’ouverture de la soirée de She rocks, s’appelle Girls in a band en référence au titre de son autobiographie !
La boucle est bouclée !
À découvrir : 2 podcasts réalisés par Radio Graf’Hit, radio curieuse à Compiègne
Reportage avec Manon Caussignac, co-réalisatrice du documentaire, la Cantatrice Chôme et Stéphanie Gembarski, coordinatrice des dynamiques liées à l’égalité et à la diversité à la FEDELIMA (Fédération des lieux de musiques actuelles)
Girls in a band, c’est le nom de leur groupe éphémère. Un projet 100% féminin réalisé sur le site minier du 9-9 bis. Rencontre avec les artistes :
© Photos David Tabary
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