Girls Rock Camp au Jardin Moderne : les filles se font entendre !
Après 5 jours intenses pour une partie de l’équipe du Jardin moderne, nous partons à la rencontre d’Amandine Aubry, qui y est chargée d’action culturelle, d’organisation des événements et d’Audrey Guiller, batteuse et adhérente de longue date du Jardin. Toutes les deux sont à l’origine du projet Girls Rock Camp qui a eu lieu du 7 au 11 février dernier à Rennes.
Le Jardin Moderne, depuis sa création en 1998 est pensé comme un outil au service des musicien·ne·s et porteurs et porteuses de projet artistiques. Ouvert 6 jours du 7, 60h par semaine, le jardin abrite 7 studios de répétition, un studio d’enregistrement, un centre de ressource, un bar et restaurant ainsi qu’une salle de concert. Le projet du Jardin vise à accompagner les musicien·ne·s des musiques actuelles, à soutenir et développer les pratiques, quelles soient amateures ou professionnelles et à favoriser les échanges entre les personnes ou les dynamiques collectives. Avec près de 900 adhérent·e·s, le Jardin moderne est un des lieux emblématiques de la répétition à Rennes et propose de multiples formations.
Le projet Girls Rock Camp est un camp de 5 jours proposé à 8 adolescentes non-musiciennes de 14 à 18 ans. L’objectif est de leur faire découvrir des instruments de musiques actuelles mais aussi le travail de répétition et de composition dans le cadre de la création d’un groupe pour la semaine. La semaine est divisée entre des temps de pratique musicale où chacune pourra expérimenter le chant, la guitare, la basse ou la batterie et des temps collectifs d’activités telles que le yoga, la gestion du stress, la prise de parole en public ou le graphisme. À l’issue de la semaine, les 2 groupes formés à cette occasion joueront leur composition sur scène, devant un public. En plus de favoriser la pratique musicale, le Girls Rock Camp permet de travailler la confiance en soi, la notion de collectif et d’appréhender certains enjeux d’égalité.
Des débats on en a plein, mais il faut réussir à mettre des basses et des guitares dans les mains des jeunes filles
Nous avons tout d’abord demandé à Amandine et Audrey quelle(s) utopie(s) se cachaient derrière ce projet Girls Rock Camp ?
Audrey Guiller (AG) : Qu’on arrive à une mixité dans les musiques actuelles, que les femmes aient leur place sur scène et dans les pratiques en amateur. Moi j’ai commencé la batterie dans les années 90 et j’étais persuadée que quand je serais vieille ou grande – c’est-à-dire maintenant – il y aurait des batteuses partout autour de moi ! Et en fait, je suis encore tout le temps en minorité. Pour moi, faire de la musique et surtout de la musique rock, c’est un super outil de prise de confiance en soi. Jouer sur des instruments amplifiés, bruyants, sonores, c’est ce dont, nous femmes, on a besoin, pour prendre de la place. Je voudrais que plus de femmes et de jeunes filles en profitent, qu’elles ouvrent cette porte-là et que ça aboutisse à des concerts où il y aura autant d’hommes que de femmes qui se font plaisir !
Amandine Aubry (AA) : Ce projet s’inscrit aussi dans une longue réflexion autour des enjeux d’égalité au Jardin Moderne. Audrey pourra confirmer, ça fait plus de 10 ans que ces enjeux sont questionnés ici.
AG : Tout à fait, au départ il y a eu un groupe de travail “égalité” pour partager des chiffres, des constats et des projets – dont faisait partie le Girls Rock Camp – mais entre la réflexion et l’action, ça a pris du temps.
AA : Entre temps, nous avons une femme qui est arrivée en co-direction, ce qui a impulsé une dynamique sur ces questions. L’ensemble des salarié·e·s et membres du CA ont été formés à ces enjeux et on a organisé une AG extraordinaire dédiée à ces questions pendant laquelle des ateliers ont eu lieu.
AG : Moi je n’avais jamais vu ça, une AG où les femmes s’expriment, où elles ont une place, une liberté de parole et où les hommes ont aussi pu exprimer leur besoin de se déconstruire sur ces sujets. Je n’avais jamais vu ça et pour être honnête, je ne savais même pas que c’était possible en fait !
Qui avez-vous embarqué avec vous dans ce projet ?
AG : C’est moi qui ai proposé ce projet et j’ai trouvé en Amandine une binôme de choc ! On a fait la préparation du projet ensemble et on s’est ensuite entourées d’intervenantes musiciennes pour les ateliers de pratique, les coaches qui ont suivi les deux groupes et enfin les intervenantes pour les ateliers collectifs. On s’est aussi entourées de deux techniciennes au son et à la lumière.
AA : Lorsque le projet s’est lancé, nous nous sommes tout de suite tournées vers Rennes métropole, notre principal financeur qui nous a renvoyé à la coopération. Très vite, nous avons associé l’Antipode, très partants pour le projet. En revanche, nous nous sommes aussi heurtées à des questionnements sur la non-mixité du projet. C’est un frein que nous rencontrons régulièrement sur ce type de démarches… Pourtant, nous proposons aussi des ateliers en mixité qui sont souvent majoritairement investis par les hommes, il y a une non-mixité de fait. J’ai déjà remarqué que lorsqu’on propose aux jeunes dans le cadre d’un atelier mixte, d’investir la scène, il n’y a que les garçons qui y vont et y restent très longtemps. Les jeunes filles, elles, restent assises devant la scène.
AG : Alors que pendant le Girls Rock Camp, il n’y a pas eu beaucoup de gênes ou de freins, il y a eu un peu de “je suis nulle, je ne sais pas faire” au début, mais très rapidement, elles ont réussi à dépasser ça et à tenter.
Quel(s) moment(s) du projet aviez-vous hâte de vivre ?
AG : Je crois que ça reste le concert de restitution quand même.
AA : Oui, pour moi aussi. Déjà ce matin, c’était la première fois que je les voyais sur scène avec un instrument, en train de jouer, je me suis dit “woaw!”.
AG : Oui, le premier moment où elles se sont mises en groupe aussi, pour moi ça a été super fort. En fait on passe par beaucoup d’émotions, au début je me demandais dans quelle m**** on s’était mises. Le défi est énorme !
Et quel(s) moment(s) vous appréhendiez ?
AG : J’avais peur que ça ne leur plaise pas, qu’elles s’ennuient ou qu’elles se rendent compte qu’elles n’aiment pas la musique ou ces instruments. On appréhendait qu’elles décrochent aussi, ce sont des adolescentes donc elles auraient pu ne plus vouloir venir par exemple. Mais surtout ce que j’appréhendais c’était qu’elles aient une mauvaise expérience finale sur scène qui leur couperait l’envie, que tout ça soit contre-productif en termes de confiance en soi.
Tout ce projet, c’est pour qu’elles gagnent confiance en elles
Quelles figures féminines vous ont inspirées pour ce projet ?
AA : Quand on a commencé à imaginer le projet et à l’écrire, j’ai directement pensé à une musicienne rennaise qui est adhérente du Jardin : Lætitia Shériff. On voudrait l’embarquer aussi dans ce projet parce qu’elle est sensible à ces enjeux.
AG : Moi Courtney Love, la chanteuse de Hole. C’est un modèle de femme transgressive, qui s’en fout du regard des autres, qui fait de la musique même si elle n’a pas un parcours académique, même si elle n’est pas parfaite. Elle ose faire quand même, s’affranchir de l’attente de validation des hommes en bousculant les codes. À chaque fois que j’ai une idée de projet, mais que ça me semble trop gros ou que j’ai peur, je me demande : “qu’aurait fait Courtney Love à ma place ?”. Soit elle aurait été bourrée ou complètement défoncée donc je me dis “bon bah je ne ferais pas pire” !
En savoir plus sur le projet Girls Rock Camp du Jardin Moderne
© Photos Karine Baudot
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